Déjà une vie en région parisienne, dans notre société consumériste, à mener une carrière en logistique, à perdre mon temps dans la jungle du trafic routier, à user mon enthousiasme dans la routine du quotidien et le stress des exigences professionnelles; avant de perdre mon âme, je voulais redonner du sens à ma vie, sortir de ma torpeur, quitter ce monde aseptisé et sans saveur, pour retrouver le parfum de l’aventure, le goût à la vie.
Trente ans, ponctués heureusement, de longs voyages à travers le monde, du Mont Blanc, d’une transatlantique à la voile, et du bonheur de fonder une famille, d’avoir deux enfants, que je regarde, de loin aujourd’hui et avec inquiétude, grandir dans un monde où l’homme détruit, pollue et pervertit, avec lesquels je garde une proximité affective, et pour qui je continue de travailler, dans l’espoir de leur préserver un devenir supportable.
La vie est un court chemin vers la mort, si nous voulons changer le monde, si nous voulons élever nos consciences, il nous appartient d’optimiser notre existence, de vivre nos rêves, de montrer que d’autres chemins sont possibles, pour se guérir, plutôt que de subir.
Les biens matériels, les nouvelles technologies, ne nous apportent ni la paix, ni le confort de l’âme, la recherche systématique de croissance comme seul moteur de progrès nous apporte la ruine, nous rend assujetti aux normes, au mercantilisme des lobbies, dépendants du bon vouloir des puissants, sans régler aucun des problèmes de l’humanité.
Loin des lumières de la ville, de la folie des hommes, j’ai trouvé mon lieu de vie dans la montagne, un lieu de paix où mettre en forme mon utopie, où vivre mes convictions, j’y alterne mes séjours en solitaire avec mon travail dans la vallée, pour un moment ou pour toujours, le temps de l’aventure en tout cas…
Un espace de liberté concevable qu’en maintenant des liens sociaux, des échanges, une écoute culturelle, l’évocation sous-jacente d’un monde alternatif, pluridimensionnel, dans le respect de la nature, le respect de l’autre.
Courbé sous le poids de la charge, j’arpente le chemin qui monte à travers la forêt, chargé de bois de construction, de courses, je vis cet effort comme une thérapie car j’y lave mes excès dans la sueur, me libère de l’entrave sociétale, je redécouvre le bonheur de l’insouciance sous les chants des nombreux oiseaux qui égayent la profondeur du silence ambiant.
Malgré les difficultés, les obstacles, je savoure chaque jour la joie d’être là, si je passe beaucoup de temps en contemplation, ce sont les dernières lueurs du jour qui m’arrêtent dans mes travaux, car le courage et l’effort sont nécessaires à mon épanouissement, la valeur de l’accomplissement dépend du chemin suivi pour y parvenir, la jouissance de la réussite ne s’acquiert que par le travail, qu’il soit méditatif ou forcené.
Liberté d’être, d’entreprendre, c’est le souffle qui m’enivre aujourd’hui, un toit, des panneaux solaires, un poêle à bois et l’eau de source, suffisent à mon confort, j’abats des arbres pour donner de l’espace, protéger le bâti, ouvrir la vue, je restaure l’existant, les terrasses, les murs en pierres sèches, et en attendant de cultiver la terre, j’ai planté des fruitiers qui mettront du temps à arriver à maturité.
A l’aube naissante, pluvieuse, la brume qui obstrue la vallée me fout le bourdon, mais la tempête, la langue éolienne qui vient fouiller la forêt, animer les géants de bois, autant que le soleil radieux qui illumine la clairière, me donnent l’intensité dont j’ai besoin, la nature sublime le reste dans une projection qu’il me tarde d’accomplir…